l'arrivée improbable

Ange déchu Messages : 5 Date d'inscription : 16/02/2008

Improbable...

Et pourtant elle aurait du s'en douter, la voix de son maitre le lui avait révélé quelques semaines auparavant. Il lui avait parlé de cycles, des histoires sur une roue du destin, et bien sur, son habituel laïus sur la foi, la défiance, la liberté, le pouvoir ou la déchéance.

Elle n'en avait écouté que la moitié, et comprit encore moins. Mais parmi la prêche enflammée elle avait saisit une destination, une carte en bristol, finement écrite à la plume la conviait à découvrir un refuge.

La carte glissa de ses doigts sans qu'elle ne cherche à la rattraper, le rectangle de carton alla finir sa vie dans une flaque boueuse.

Elle releva la tête malgré la pluie battante, ses yeux clignant parfois pour se protéger des gouttes d'eau. Elle contempla le manoir sans s'extasier, son expression ne portait pas la marque de la surprise, ni celle de la reconnaissance.

Elle apparaissait pour la première fois depuis bien longtemps, ses vêtements en guenilles, les bras écorchées, un sabre attaché à sa ceinture coté gauche, et un holster coté droit.
Plus sombre et grave qu'avant, elle semblait avoir gagné en expérience malgré son apparence éternellement jeune.

Devant l'imposante porte, elle avança lentement sa main fine jusqu'à la lourde poignée mais stoppa son mouvement.
Des lieux, s'ils ne grouillaient pas de vie, émanait un son faible et sourd. Une impression étrange que seuls les êtres immortels peuvent décrire.

Il était ici des personnes que son chemin avait déjà croisé, une en particulier...

Mais alors que son esprit se perdait dans des souvenirs lointains, une présence s'était glissée derrière elle.
Plusieurs fois on l'avait en traitre, bien assez pour que certains réflexes salutaires se mettent en place.

Lentement sa main gauche descendit le long de son ventre jusqu'à son holster.

En un éclair elle fit volte-face, braquant son flingue en avant.

Une présence avançait vers la forteresse. La déchue aurait reconnu cette aura parmi toutes les autres au Paradis, en Enfer ou sur Terre. Personne mieux qu'elle n'aurait su la reconnaître ... à l'exception de Delacroix peut être, mais lui, c'était un cas à part.

Daireann était sur le rebord de la fenêtre de sa chambre dans laquelle elle avait emménagé depuis peu, regardant le soleil se coucher à l'horizon. Une légère brise faisait voleter les mèches qui tombaient devant son visage. Son regard, jusqu’alors perdu dans le vague, avait tout à coup fixé l’endroit d’où provenait l’individu qui approchait. Elle ne voulait pas y croire au début, elle n'osait plus y croire, cet espoir lui faisait trop mal. Elle s'était résignée depuis longtemps déjà, du moins en surface, car au fond d'elle, rien ne parvenait à faire taire cet infime espoir d’un jour la voir réapparaître comme elle l’avait toujours fait. Andrasia arrivait toujours au moment où l’on s’y attendait le moins.
Mais cette fois ci, elle venait, elle en était certaine. Elle n'était pas loin, quelques centaines de mètres tout au plus.

Du haut de sa fenêtre, elle avait alors sauté, se réceptionnant un genou à terre, les mains de part à d’autre de son corps. Elle s’était relevée, aucune égratignure, époussetant ses vêtements puis avait marché en direction de l’entrée de la forteresse.

De chaque côté du portail se trouvaient de grands piliers, soutenant les portes. C’était derrière l’un d’eux qu’elle s’était appuyée, attendant l’arrivante.

Son cœur battait la chamade à mesure qu’elle sentait l’aura d’Andrasia se rapprocher. Plus que quelques mètres… Elle entendait désormais le bruit de ses pas. Sa respiration était saccadée, elle se trouvait dos au chemin et n’osait pas se retourner. Depuis tant de temps elle attendait ce moment… Et maintenant que celui-ci arrivait, elle paniquait comme une débutante.
Pourtant, les deux déchues avaient vécu des moments plus intimes les uns que les autres. Peut être était ce justement cela qui lui faisait perdre pied, car tout à coup, cet espoir qu’elle avait enfoui au fond d’elle éclatait pour reprendre le pas sur sa vie.

Andrasia avait désormais stoppé sa marche. Le bruit de ses pas ne couvrait plus celui de sa respiration qui se mêlait à celui de la légère brise qui soufflait toujours.
Daireann prit une inspiration et, d’une pression du pied, se décolla du pilier pour s’approcher d’Andrasia.
Arrivant derrière elle, c’est face à son arme qu’elle se trouva. Le flingue au niveau du visage, la déchue sourit, levant un sourcil amusé, alors que les émotions commençaient à l’emplir.

Tu veux jouer avec ça ma belle ?

Elle fixa Andrasia dans les yeux, s’approchant du flingue pour que celui-ci frôle son visage et lécha le canon pour la provoquer sans décrocher son regard.

Tu sais que tu pourrais te faire mal …

Ange déchu Messages : 5 Date d'inscription : 16/02/2008

Ce visage, ces cheveux clairs, cette lueur si particulière au fond de ses yeux noirs. Ses lèvres bougeaient, mais elle n'entendait rien de ce que l'ange lui disait.

Cela faisait si longtemps, son pistolet glissa de sa main et tomba au sol. Andrasia, car c'était elle, se jeta au cou de l'ange sombre qui lui faisait face.

Daireann... Murmura t-elle en la serrant un peu plus

Au bout de quelques instants, elle desserra un peu son étreinte. Elle se mit à contempler celle pour qui elle avait décidé de survivre. Même face aux assauts d'archanges, elle revenait, meurtrie, désorientée, dans un état chaotique, l'immortalité avait continué de lui sourire. La perdition n'y avait rien changé, son essence d'être céleste était restée. Les voix des cieux étaient toujours impénétrables.

Il me semble que cela faisait des années. Mais enfin, je t'ai retrouvée...

La pluie terminait de détremper les reliques de ses vêtements, mais elle ne semblait pas y prêter la moindre attention. Le temps d'errance touchait à sa fin.

A peine Daireann eu t elle prononcé quelques mots, que les doigts d'Andrasia se desserrèrent, lâchant le pistolet qui tomba entre elles, éclaboussant leurs pieds lorsqu’il atterrit dans une flaque que l’orage avait formé. Dans le regard de la déchue, les émotions montaient, elles ne pouvaient désormais plus les retenir.
On pouvait y lire toutes les questions qui l'avaient jusqu'alors préoccupées, mais un simple mot revenait inlassablement "pourquoi ?".

Les interrogations laissèrent place aux larmes qui perlaient le long de ses joues sans que Daireann ne puisse rien y faire alors qu'elle enlaçait sa bien aimée de ses bras.
Cela faisait des jours, des semaines, des mois même qu'elle attendait ce moment.
Elle alla blottir son visage dans la nuque de sa compagne, inspirant à grandes bouffées cette odeur qui lui avait si longtemps manqué. Mais cette fois ci, au lieu de la calmer, elle fit redoubler ses larmes, et ses mains se resserrèrent pour s’agripper à celle qu’elle ne voulait plus perdre, celle dont la mort l’avait séparé à maintes reprises, celle qui par amour avait toujours été guidée. A son odeur se mélangeait celle de la poussière, dénotant les rudes épreuves qu’Andrasia avait dû supporter pour parvenir jusqu’ici. Elle avait très certainement combattu contre un ennemi bien plus effrayant que toute créature tangible qu’elles avaient pu affronter… Elle avait dû lutter contre elle-même, contre la mort… Simplement pour cet amour entre ces deux femmes, qui étaient liées par bien plus que de simples paroles.

En même temps qu’Andrasia, elle recula légèrement son buste afin de contempler le visage de sa bien aimée sans pour autant relâcher son étreinte comme de peur qu’Andrasia ne s’épanouisse une fois de plus de sa vie.
Ses larmes se mélangeaient désormais à la pluie qui battait plus fort depuis l’arrivée de la déchue…
Elle ne pouvait parler, mais dans ses yeux défilaient de nouveau toutes ces questions qui, depuis leur séparation, avait envahie les pensées de Daireann jour et nuit.

Sa main droite relâcha son étreinte et vint délicatement se poser sur la joue d’Andrasia, la caressant tendrement, le plus doucement du monde, sentant le grain de sa peau… Cela faisait bien trop de lunes que leur peau n’avait pas été en contact. Le bruissement de l’une contre l’autre, cette sensation si particulière qui leur avait manqué à leur en déchirer le ventre du vide qui se créait en elle lorsqu’elles se trouvaient seules à ne pouvoir penser plus qu’à cette insidieuse solitude. Ses doigts descendirent au niveau de la bouche de sa compagne, glissant sur ses lèvres sur lesquelles le regard à Daireann était descendu.
Dorénavant obnubilée par cette partie de son visage, elle s’approcha lentement, venant déposer un baiser à celle qui lui avait tant manqué. Ses lèvres, sur lesquelles glissaient alors celles à Daireann, étaient trempées par les gouttes d’eau qui perlaient le long de sa peau, mais cela n’enlevait rien à leur éternelle douceur.

Ange déchu Messages : 5 Date d'inscription : 16/02/2008

Ses lèvres entre-ouvertes accueillirent celles de son amie. En une fraction de seconde sa mémoire retrouva tout ce qu'elle avait eu tant de mal à mettre de coté. Quand on tente de survivre, le pire ennemi se trouve souvent être sois même, l'insupportable douceur des souvenirs s'exacerbant avec les difficultés, monopolisant l'esprit, renversant la raison.
L'oubli est parfois nécessaire, sans ça comment aurait-elle continué d'avancer ?

Cette masse de souvenir refoulés, se bousculant en même temps devant une porte trop étroite, fit couler quelques larmes sur son visage. Même si elle l'avait voulut, elle n'aurait pas pu les retenir.
Le contact intime réactiva un lien endormit, ses mains se glissaient sur le corps de Daireann, renouant avec cette peau claire qui semblait se rappeler de ces caresses.

Plus de lutte interne, plus aucune rétention d'émotions, Andrasia eu l'impression de se retrouver elle-même en la retrouvant... elle.

Après ce premier baiser langoureux, elle redressa la tête pour replonger ses yeux dans ceux de l'ange. Elle renonça à passer sa main sur son visage, les larmes se mêlant aux gouttes de pluies, son honneur était sauf. A savoir si Daireann s'était laissée tromper par les intempéries, certainement pas...

Alors ? lança t-elle en feignant d'observer l'architecture du manoir tout en tentant tant bien que mal de contrôler sa voix pour dissimuler ses sanglots.

Alors... c'est ici que se retrouve ce qui reste de la Légion ?
elle opinait de la tête, comme pour donner son approbation à ce jeune et ambitieux projet.
Elle lança un coup d'œil aux fauves sommeillant dans leur cage, les gardiens des lieux de la Légions étaient de robustes et hargneux molosses, les tigres rendaient l'accueil moins brutal et plus distingué, mais aucun doute qu'en cas d'intrusion, les félins sauraient démeller la situation aussi bien que des chiens affamés.

La main de Daireann avait glissé sur le cou à Andrasia lorsque celle ci avait tourné la tête vers l'édifice. Sous ses doigts, elle pu sentir les écorchures qui balafraient la peau de sa compagne. Fronçant légèrement les sourcils alors que ses larmes coulaient encore, elle faillit lui parler de cet "avant" mais Andy semblait vouloir effacer ce trop plein d'amour qui se manifestait.
Elle n'était pas à l'aise des larmes coulant de ses yeux, Daireann le savait, elle ne l'avait pas oublié. Elles n'avaient de toutes façons aucun besoin de parler pour se comprendre, d'exprimer ce qu'elles avaient ressenti car l'autre savait, elles en étaient consciente.
Depuis bien longtemps maintenant, elles avaient su apprivoiser l'empathie qui les liait.

Daireann laissa glisser sa main droite sur les reins de sa compagne, appuyant très légèrement pour l'inviter à l'accompagner dans le pas qu'elle engageait en direction de la forteresse.

Viens mon ange, nous aurons tout notre temps pour visiter l'extérieur, je vais te raconter tout ce que je sais de cet endroit, mais d'abord, rentrons.

Daireann emmena sa compagne vers la forteresse, traversant l'allée qui menait à l'entrée. Puis, une fois dans le hall, elles empruntèrent l'escalier de gauche qui menait aux chambres, tournant à droite une fois sur le pallier du premier étage.
Suivant la direction de la chambre, la déchue fit glisser sa main dans celle à Andrasia alors qu'elles s'approchaient de la pièce dont la porte était entrouverte.

L'angelle s'arrêta et tourna la tête vers sa bien aimée, esquissant un sourire alors que ses yeux rouges trahissaient les larmes qui avait coulées quelques minutes auparavant.

C'est chez nous... Je t'en prie... annonça t elle à Andrasia pour l'inviter à entrer.

Ange déchu Messages : 5 Date d'inscription : 16/02/2008

Invitée par Daireann, elle ne se fit pas prier.

Andrasia, Daireann, la manoir du Cénacle... Finalement seul le lieu changeait, quoi que le fort de la légion des âmes n'était pas si éloigné que ça de celui du cénacle, juste un peu, juste assez pour marquer le changement d'époque, d'idéologie.

Elle se bloqua avant l'entrée, tournant la tête derrière elle, dans la flaque ou elle avait laissé tomber son arme, elle s'agenouilla pour la ramasser.

Sur la crosse noire un glyphe oublié irradiait faiblement, les ignorants le qualifierait de "païen", les connaisseurs reconnaitront le symbole du Begon Vert, groupuscule démoniaque dont la jeune ange n'avait pourtant jamais fait partie.
Elle rengaina le pistolet et rejoint Sa Daireann à la porte, pour l'accompagner ensuite jusqu'à sa chambre.

Un seule chambre, deux anges, une foule de souvenir firent leur apparition. Elle avança à l'intérieur de la pièce, jeta quelques regards lents à la configuration, au mobilier.

Elle se tourna ensuite vers son amie. Elle esquissa un sourire heureux, quelque chose dont elle n'avait plus l'habitude, mais celui-ci été réservé à sa douce amie, depuis un bon moment déjà.

La prenant par la main, elle l'attira doucement à l'intérieur avant de faire claquer la porte.