Arrivée d'un chevalier

Le bruit des pas d'Aratochi résonnait lentement sur le sol tandis qu'il progressait vers la lourde porte du Cénacle. Jettant un coup d'oeil sur les tigres, il ne put qu'admirer leur splendeur, et espérer ne pas avoir à admirer plus chez eux.

Il avait eu du mal à trouver l'endroit, soit ce dernier était bien caché, soit l'humain avait peur d'y mettre les pieds. Le Cénacle représentait sûrement l'une de ses premières erreurs, et s'il venait ici maintenant, c'était pour essayer de la réparer.

Arrivant finalement devant la porte, il posa sa main gantée sur le serpent, et frappa. Pendant que le bruit résonnait dans le hall, l'ex-chevalier vérifia qu'il n'avait pas oublié son arme.

Aratochi laissa échapper un bâillement, et s'éloigna de la cage des tigres. Il venait de passer un petit bout de temps à regarder ces derniers, ils étaient assez beau, bien soignés, et au moins aussi fiers que les autres occupants, dommage qu'il fussent en cage. Enfin, cela dépendait du point de vue, comme souvent. C'était un peu ironique que le Cénacle se prétendant défenseur de la liberté utilise ainsi des créatures qui n'avaient rien fait d'autre qu'exister.

Les mains dans les poches, il revint en traînant les pieds vers son sac. L'angoisse qu'il avait eu en arrivant s'était dissipée sous le coup de l'ennui cruel qui l'habitait maintenant. Il ne s'attendait pas à être reçu comme un roi, mais de là à devoir escalader le bâtiment pour rentrer...

Lorsque Zheng lui avait dit qu'il n'y avait pas eu de retour de sa missive, il pensait que le Cénacle refusait simplement de donner des informations. Mais maintenant il commençait à se demander si il y avait encore quelqu'un.

Décidant que frapper une deuxième fois serait inconvenant il soupira et s'adossa contre le mur. Il commençait a regretter de ne pas avoir emmené avec lui de livre, ou de compagnie. En même temps lâcher Joschua ici n'aurait rien eu de très malin, et il n'avait pas envie de devoir repartir en courant, ou de combattre les fauves qui s'agitaient dans les cages non loin. Puis c'était son affaire cela, et risquer la vie de l'un de ses hommes serait égoïste et inutile. Il se demanda ensuite si ce qu'il était en train de faire serait aussi de la trahison. Il souffla sur l'une de ses mèches pour la chasser de ses yeux et se contenta de hausser les épaules comme réponse à sa question. Il était sûr de devoir faire ce qu'il faisait, cela lui suffisait.

Attendant patiemment il commença a fredonner une vieille chanson, se rappelant sa jeunesse de musicien.

Je suis un barde seul, errant dans les terres, je
Danse, je chante, je trouve les réponses à tous les «pourquoi ?»
Les tavernes sont bondées
tout comme celle que je croise sur mon chemin
Je vais peut-être juste me récompenser d’une bière ou deux

Cette auberge est le lieu de nombreux contes romantiques
Au grenier, les femmes se vendent
Mais mes yeux sont attirés par une fille
Qui se fait battre par tout le monde
C’est un esclave pour eux mais un rose perdue à mes yeux.....

Aratochi n'avait pas aimé son chant, depuis longtemps chanter lui laissait une sensation de vide qu'il n'était pas capable de combler. Pour en avoir discuté avec Joschua, c'était la même chose pour ce dernier, et aucun des deux n'avait de solution.

"Normalement cela se chante en canon."

Il jeta un regard aux fauves, se demandant ce qu'il pouvait y avoir de drôle dans l'idée de faire manger un inconnu. Il soupira, il venait de sortir d'une rencontre avec les stoïciens et voilà qu'il mettait les pieds chez les épicuriens. Enfin chacun sa façon de trouver le bonheur.
Se reconcentrant sur l'étrange personnage qui venait de lui parler, il ne put s'empêcher de se demander à qui il avait à faire, apparemment pas un ange, peut être un démon, ou un vampire.

"J'espère que vous n'allez pas me demander de redescendre pour aller leur chercher à manger.

Je suis venu ici pour deux choses. Premièrement savoir ce qu'il est advenu de la larme apparu sur vos terres. Et deuxièmement pour apprendre à vous connaitre."

Il ne s'était pas fait dévorer pour le moment, c'était plutôt une bonne chose. Même si il aurait préféré tomber sur quelqu'un qu'il connaissait en arrivant, l'étrange individu qui se tenait devant lui ne semblait pas trop pressé de le voir partir, cela changerait peut être avec le temps mais cela, il aviserait...

"Je suis le chevalier Aratochi, serviteur de l'humanité, Intendant de Fangard et Hommes du Monde sous les ordres du Juste Salomon."

Il n'aimait pas vraiment parler de ses titres, c'était ronflant et pas vraiment utile, mais omettre d'en parler aurait pu être considéré comme un mensonge par le Cénacle et il ne le voulait pas. Enfin, par ici, ce genre de truc aurait peu d'importance, sauf si le Cénacle recherchait un otage. Il n'omit pas de compléter ses titres par les autres moins glorieux.

"Pour le moment je suis surtout jugé pour trahison et le seul titre qu'il me reste c'est serviteur au bar de l'humanité et ami des vampires. Et vous?"

Ainsi Van se souciait peu des titres, tant mieux, il pourrait sûrement espérer ne plus avoir à les donner alors. Il se moquait sûrement aussi du reste, mais ne pas répondre à une question aurait été impoli.

"Entente avec l'ennemi, espionnage, et insubordination, c'est ainsi qu'ils ont nommé mes actes. Je préfère divergence de point de vue."

Le guerrier se dirigea vers son sac et le remit sur son épaule, ramassant son arme par la même occasion.

"Vous voulez mon arme?

Remarque, vous n'avez peut être pas la clé non plus. Sauf si rester derrière des colonnes fait partit de vos loisirs.

Et vous étiez quoi, avant d'être un paria?"

Faisant disparaître sa hache, qu' il espérait ne plus avoir à ressortir pendant son séjour ici, sous son manteau, Aratochi regarda le paria déplier ses ailes majestueuses. Ce dernier semblait être mordu de jeu de mot et des plus versatiles. Cela devait contribuer en grande partie à son charme. Détruire ce qu'il semblait représenter pour construire une chose toute autre et surement plus agréable. Ce n'était pas sans lui rappeler d'autres de ses amis.

Jetant un œil en haut des murailles, il reposa son regard sur Van. Alors ce dernier lui proposait de le faire entrer, une telle offre ne se refusait pas. Il connaissait bien peu d'anges prêts à utiliser leurs ailes de cette manière et le déplorait, alors pour une fois que l'un d'entre eux se proposait. Il hocha la tête.

"Va pour le ciel, cela fera une bonne expérience. J'espère ne pas avoir trop grossit.

Votre histoire est justement ce qui m'intéresse messire, même si vous devez la raccourcir un peu. C'est plus ses membres que le Cénacle qui m'intéresse."

Alighieri était arrivé de nouveau en ce lieu où plus il mettait les pieds et plus il semblait mal venu. Mais comme disait le proverbe jamais deux sans trois, c'était bel et bien sa troisième visite ici. Sauf qu'aujourd'hui le seuil de la porte était loin d'être vide puisqu'un humain semblait sur le point de monter sur le dos...d'un être à plumes de nature particulière dirons nous.
Il les héla tandis qu'il lui restait encore une centaine de mètres à parcourir.

"Je peux vous suivre ou je risque de me manger un tas de fléches pointues sans l'option massage ?"

L'ange attendit que la porte s'ouvre, c'était toujours aussi intéresssant ici.

"Merci beaucoup pour la porte, je préfère passer par là, on se sent moins en effraction. Daireann...tiens j'aimerais bien la croiser de nouveau, elle. Je ne suis pas sûr que nous nous soyons déjà rencontrés ou que vous vous souveniez de moi."

L'ange s'inclina avant d'entrer.

"Alighieri pour vous servir."

"Dommage."

Alighieri emboîta le pas a son hôte.